Merci pour le chocolat !

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Sur le thème du chocolat, une plume rédige la première partie d'un texte avant de la confier à sa plume voisine qui rédige la suite et la fin. Le même principe est respecté dans l'autre sens.

Le chocolat

[Partie 1 - Isabelle]

Les yeux embués de larmes et les mains légèrement tremblantes, la vieille Roseline ouvrit le paquet enrubanné que venait de lui offrir Madame.

Depuis qu'elle était au service des Dupont-Durand, c'était la première fois qu'elle recevait un cadeau de leur part. Aussi prit-elle son temps pour dénouer le joli ruban mauve qui décorait la boite mystérieuse dorée. Que pouvait-elle contenir ?

Le cœur battant, la voix enrouée, elle avait remercié ses patrons et dans un élan d'effusion avait claqué deux bises sonores sur les joues de Madame. Celle-ci, surprise par tant de familiarité, n'avait pu retenir un léger mouvement de recul. Dans sa famille on se refusait à toute sentimentalité et personne n'exprimait la moindre marque d'affection.

Roseline ouvrit enfin la boite et, soulevant le couvercle, découvrit un beau papier glacé qui camouflait encore à sa vue l'intérieur. Le soulevant avec délicatesse, elle vit des rangées de petits chocolats de formes différentes : carrés, ronds, ovales, rectangulaires, bombés, plats, recouverts ou non de pépites de noisettes ou d'amandes.

Émue par cette attention, la gouvernante n'osait toucher ce trésor gourmand et le tendit à sa patronne, en geste de reconnaissance.


[Partie 2 - Joëlle]

Madame Dupont Durand extirpa une des friandises marron en secouant la tête.

- Ma chère Roseline, je suis contente que ce cadeau vous plaise car c'est pour vous remercier de vos bons et loyaux services. Je vous ai aussi préparé une lettre de recommandation auprès de l'abbé Dupont, mon cousin, qui vit à La Bitarelle du gros Chastaing dans les monts de Corrèze, et qui ne trouve personne pour tenir correctement son ménage.

Cette annonce lui fit l'effet d'une douche glacée ! Elle avait juste besoin d'économiser encore une ou deux années sus ses gages pour pouvoir s'acheter un pas de porte comme couturière en plein centre-ville et non pas aller s'enterrer dans un trou au fin fond de nulle part avec un prêtre aigri qui sent le graillon.

Non, pour sûr, elle n'allait pas y aller. Qu'elle les garde ses chocolats ! Elle se débrouillerait seule pour se trouver une autre place qui lui convienne. Elle n'était pas si vieille d'ailleurs !

Amour de chocolat

[Partie 1 - Joëlle]

Elle s'était faite belle ce matin là. Un brushing appliqué avait suivi la douche, parfum et maquillage léger. Elle était en vacances à Saint-Jean-de-Luz et comptait bien profiter de sa journée pour faire des rencontres et s'amuser. La saison n'avait pas encore commencé et c'était agréable de pouvoir parler avec les gens de leur vie dans la région.

Elle choisit une table sous les platanes au café Louis XIV et se commanda un chocolat chaud. C'est le meilleur au monde lui confia le serveur ! C'est en effet ici qu'arrivaient les fèves de cacao  transportées par les médecins juifs qui fuyaient l'Espagne grâce aux contrebandiers basques .

- On a ça dans le sang, lui dit-il en éclatant d'un rire carnassier. Je vous ai laissé double dose de sucre, juste pour vous !

Engourdi par le breuvage épais et onctueux qui nourrissait son corps et son âme, elle laissa errer ses yeux sur les jambes des joggeurs qui traversaient la place pour rejoindre les quais. Le rythme de la course avait un effet hypnotique et la berçait. C'est alors qu'une paire de mollets l'interpella.

[Partie 2 - Isabelle]

D’une belle couleur brune, le dessin des muscles ressortait admirablement. Elle dévisagea l’inconnu affublé de si jolies jambes. Un homme fort bien fait, au visage charmant. Une aubaine. Sans hésitation, elle le héla.

- Eh, vous, attendez !

L’homme noir, surpris, s’arrêta.

- C’est à moi que vous parlez ?

Se levant d’un bond elle vint le rejoindre sous le regard à la fois amusé et goguenard du serveur. Un peu rougissante, elle rejeta d’un geste une mèche de cheveux qui lui chatouillait la joue.

- Désolée de vous interrompre dans votre élan, je crois vous connaître, mentit-elle.

L’autre la regardait étonné.

- Je ne crois pas, mais ce serait avec plaisir que je ferais connaissance.

Elle lui proposa de s’installer à sa table et ils engagèrent la conversation. Elle se sentait bien, heureuse et pleine d’entrain. Ils devisaient gaiement, comme d’anciennes connaissances. Un flux circulait, une onde joyeuse s’étendait. Ils se souriaient sous le ciel brumeux. Les vacances commençaient bien. Vive le chocolat !

Publié dans pages tournantes

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Commenter cet article

P
De jolis plumes.<br /> Le chocolat, ce cadeau charmeur avec ces jolis boites et jolis rubans et sa saveur en bouche...Apparemment certains cadeaux sont empoisonnés...Et deviennent plus amères. <br /> On aime aussi penser à son pays d'origine et à sa forme brut: la fève de cacao et à son histoire, c'est une culture...c'est tout un voyage d'y penser et dépaysement...
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