A pied d'oeuvre >>> Fort 7 de Francesca Piqueras

Publié le par Atelier d'écriture Siplume

A pied d'oeuvre >>> Fort 7 de Francesca Piqueras

Que vous inspire cette photographie ? Fort 7 © Francesca Piqueras. Retrouvez le site internet de Francesca Piqueras et découvrez jusqu'au 17 mai l’exposition Fort à la Galerie de l’Europe 55 rue de Seine à Paris en attendant l'exposition Architectures du 20 mai au 30 juin à la galerie Boa, 11 rue d'Artois à Paris.

Le monstre qui marche sur l'eau

La mer reflète l'ombre des poteaux fichés dans son cœur. Transpercée par des poutrelles d'acier, des fenêtres béantes ouvrent leurs yeux sur un horizon solitaire. Le chuintement des vagues accompagne le grincement de sa carcasse rouillée. Où est-elle l'humanité ? Que lui est-il arrivé ? Eventrée, abandonnée, sans apprêt, son beau visage pur symbole de la technologie adorée se mutile irrémédiablement.


Exploitation non rentable ! Le couperet est tombé. C'est ainsi qu'elle est devenue cette incongruité, crevant l'espace de l'océan. L'Humanité non plus n'est pas rentable. Dans leur course effrénée les hommes devraient bien se méfier. Ils creusent, arrachent, construisent puis abandonnent des ossements de fer, de pleurs et de sang.

Je les aimais, il ne me reste désormais plus que le bruit du vent. Dans la tempête, je souffle mes malédictions, elles surfent sur la crête des vagues et infiltrent les oreilles du rivage. Je suis toujours belle et sauvage !

Joëlle J.

De rouille et d'eau

Mon être bicéphale porte les stigmates du temps. Mes huit jambes fragiles soutiennent mon corps meurtri et sclérosé.

Le vent et l'eau glacés me front frissonner ; la flamme qui m'animait s'est éteinte, les hommes casqués ont disparu. Gonflés de fortune, repus d'or noir, mes maîtres m'ont abandonné.

Des promoteurs cupides et cyniques louent désormais mon corps de rouille à des explorateurs en quête d'évasion. A travers les fenêtres de mes yeux blessés, les touristes de l'extrême - comme ils aiment à se désigner - s'extasient devant l'horizon et s'enivrent de vertige au-dessus du grand Océan.

Sylvain.

La folie des hommes

Ils sont arrivés par centaines jour et nuit forant la terre, j’entends encore le grincement de la pompe et leurs cris avec l’inlassable mouvement du métal dans l’océan, plongeant, plongeant et remontant, des jours et des nuits. De temps en temps je m’échappais, je regardais dehors, le bleu, le calme, mes entrailles étaient folles, et le dehors limpide.

C’est arrivé en hiver. Ils avaient leurs pelisses sur le dos et couraient encore dans tous les sens. Leur chef était énervé, je ne sais pas pourquoi, mais ses cris fusaient d’un homme à l’autre, je crois qu’il leur en voulait. J’entendais sa voix rauque, impatiente. Personne ne lui répondait. Et puis l’homme a pris feu, je l’ai vu se détacher des autres, taper sur ses vêtements, tous se bousculaient. Il a sauté dans l’eau, et les autres ont suivi. Cette chaleur dans mes flancs. J’entends encore les cris, les plongeons, le choc des corps. Et tout s’est arrêté. Je crois qu’il n’y avait plus personne. Le dernier bruit des pales de l’hélicoptère à leur recherche. Et plus rien.

J’ai attendu. J’ai attendu qu’ils reviennent. Ou plutôt je redoutais qu’ils reviennent. Mais à présent je sais qu’ils m’ont abandonné. Ils sont tous partis. Remarquez, je ne les regrette pas, je ne m’en plains pas. J’ai retrouvé le calme et je peux regarder tranquillement l’océan de mes petites fenêtres, et surtout, surtout, je ne sers plus à dévorer la terre.

Joëlle.

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I
Des textes forts exprimant douloureusement la folie des hommes.
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