A pied d'oeuvre >>> Turner, Woods & Ernst

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Poursuivant le principe d'écrire un texte inspiré d'une œuvre, l'Atelier Siplume vous propose une nouvelle galerie de mots à partir de tableaux de
William Turner,
Max Ernst
et Clare Woods.

William Turner - Tempête de neige en mer

William Turner - Tempête de neige en mer

La gueule béante est prête à engloutir le frêle chalutier secoué, ballotté par les vagues, hautes murailles qui viennent s’abattre sur lui pour l’anéantir dans les noires profondeurs. Il est devenu
à présent un simple jouet perdu sur l’immensité.

Le bateau grince et résiste dans le fracas de la tourmente, mais les gigantesques mains aux terribles griffes ruisselantes viennent le happer et le soulèvent pour le précipiter à nouveau vers les sombres entrailles.

Parfois, seul le mât se dresse au-dessus des flots hurlant leur rage folle, avant de disparaître pour ressurgir aussitôt dans un vaillant sursaut.

La lutte est inégale, farouche et seul l’ex-voto de celle qui attend sans doute auprès du phare, frêle et impuissant témoin du drame qui se joue, semble pouvoir encore éviter le naufrage.

Hélène.

Clare Woods

Clare Woods

Je m'étais assoupi au bord de la rivière, le dos appuyé contre le tronc d'un chêne, mes mains glissées dans l'herbe fraiche. L'effort de la marche, le murmure de l'eau tout comme l'ombre protectrice m'avait enveloppé dans une douce torpeur.

En rouvrant les yeux, le monde semblait avoir changé. Le ciel, la terre et l'eau offraient une symbiose idéale, révélaient le secret d'une union, d'une mélancolie mariant le vert et le bleu, mes couleurs favorites.

Aucun souffle ne caressait le feuillage, aucun courant ne perturbait le ruisseau, aucune aile d'oiseau ni aucun vol d'insecte ne troublait le silence.

Dans cette atmosphère étrange, j'en vins à m'interroger sur la réalité de ce paysage où les ombres l'emportaient sans hâte ni menace. Songe insolite ou bien-être ? Rêverie ou apaisement ? J'hésitais entre ces états de grâce, d'oubli, d'abandon et de lâcher-prise.

Quoiqu'orphelin de soleil, mon décor continuait de piocher dans la palette de mille nuances, me berçait dans ses teintes émeraude et turquoise.

Surgit soudain un lombric orange qui se mit à serpenter à mes côtés, compagnon de mon sommeil ou complice de mon rêve éveillé. Le ver et moi nous laissâmes glisser jusqu'à la promesse de lumière et de vie.

Sylvain.

Clare Woods

Clare Woods

La vie fluide

Le ciel oublie de cerner de bleu ses nuages d'aurore. La mousse douce piétine l'écorce brune d'un vert tendre. Des flocons turquoises enchantent le pied de l'arbre. Il se colorie de touches fleuries violines, rose pâle et ses branchages orangés et rouges traversent les racines au creux du temps. Des volutes mauves étreignent la cime du bel arbre comme une fumée ensorcelée emportant quelques feuilles rebelles vers l'obscurité. Le noir fait éclater les couleurs, mystérieux et sonore.
La forêt balbutie, à l'aube des rêves, des glissements d'ombres. Une cascade d'eau fine allonge le paysage enchanteur et inquiétant, reposant et vital.
Nul bruit tangible ne parvient à l'oreille ; seul le hululement d'un oiseau de nuit se dispute au chuchotement d'une chenille.
L'arbre s'ébroue et, de ses branches si longues, tombent des palettes colorées et odorantes de fruits de la passion, de volubilis et de mangues.
Des ronds d'herbes de sorcières jouent à semer le désordre dans le sous-bois. Une flamme brisée, comme une perle d'écume sauvage, pénètre le sol argenté et moisi de la terre. Ce soir les bois restent majestueux.

Isabelle.

Derrière la haie

Derrière la haie du jardin émerge une fenêtre. Elle reflète le bleu du ciel souligné du liseré blanc des rideaux qui murmurent dans la brise de cet après-midi d'été. La petite est assise à l'ombre des massifs près d'une flaque. Elle tapote sa main dans l'eau. Le froid passe entre ses doigts et gicle. Des ondes se forment qui la chatouillent, elle les chasse de ses pieds nus et se retrouve roulée en boule dans la gadoue. Sensation douce et moelleuse, elle tourne et retourne la vase qui efface son reflet.
L'eau prend la teinte grisâtre de la terre .Elle pêche une petite bête qui grouille et la chatouille. Elle rit et ouvre ses doigts. Le petit ver s'échappe alors rose et dodu pour se perdre en ondulations dans les herbes qui l'entourent. L'enfant agrippe une branche bleue pour se redresser mais c'est le ciel qui se faufile vers elle à travers la toile d'araignée. Elle porte à sa bouche les fils qui embarrassent ses doigts et collent à ses lèvres. Les brindilles rouges ploient, elle se faufile dans la haie laissant des lambeaux de sa robe aux ronces qui égratignent le beige, le blanc, le rose. Les couleurs pendent effilochées témoins de son escapade.
De l'autre côté elle émerge aux pieds des marches blanches et chaudes de soleil. Elle rit et s'assied.
De grands bras la happent et la grondent: "Où étais-tu passée ? Sans quel  état es-tu ?"
Les pas s'éloignent, les paroles diminuent, happées par la fraîcheur du couloir.
Le jardin se regarde et se renfonce dans l'ombre noire et humide de la haie .

Joëlle.

 

Max Ernst -  Les scaphandriers somnambules

Max Ernst - Les scaphandriers somnambules

Le commencement du monde est bleu azur. Terre et Ciel s'épousent puis se séparent sous les rouleaux sinueux et puissants de l'Océan.
De la terre surgissent de hautes falaises sculptées par les vents, puis des montagnes se dressent et se recouvrent de végétaux.
C'est alors qu'apparaissent des créatures nouvelles aux carcasses dorées et luisantes, elles progressent en rampant puis, s'associant les unes avec les autres, ces créatures engendrent d'autres créatures massives et plus grandes que les falaises elles-mêmes.
Elles progressent tout d'abord à pas pesant puis déroulent leurs silhouettes qui s'allongent encore, écartant leurs membres comme des ailes. D'étranges visages d'oiseaux gigantesques, becs massifs et regards blancs…
Les créatures du monde nouveau se mettent en marche à la conquête des espaces inconnus.

Annie.

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G
Cest exellent <br /> Bravo a tous ..
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