Pages tournantes >>> À mon retour, la vieille qui nettoyait ma chambre avait une nouvelle mission

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D'après une phrase
extraite du roman
Passagère du silence
de Fabienne Verdier.

Rappel du principe : chaque plume complète le récit par une ou deux phrases de son cru avant de confier le texte ainsi modifié à la plume voisine. Le récit prend fin lorsque chaque plume conclut le texte qu'elle a elle-même initié. Le changement de couleur traduit le changement de plume.

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Hygiène de vie

« À mon retour, la vieille qui nettoyait ma chambre avait une nouvelle mission » : chasser les araignées qui alimentaient mes angoisses nocturnes. Malheureusement elle en oubliait souvent. La preuve : l’une d’elles s’étirait langoureusement au bout d’un fil dans la lumière déclinante du soleil qui traversait la fenêtre. Elle se mit à baver et à extirper de son ventre son fil à l’aide de ses pattes noires et velues. Ses petits yeux noirs me regardaient ; et comme j’étais encore un peu endormie, je ne savais plus si c’étaient les yeux de la vieille ou ceux de l’araignée. Je me sentis comme électrisée, et tout à coup, ne pouvant me retenir, je me mis à danser, battant les bras comme les ailes d’un papillon, virevoltant et déchirant les toiles de l’araignée.

Que n’avais-je pas fait là ! Ce fut une armée d’araignées qui se dirigea vers moi, descendant du plafond, longeant les murs et les cadres des deux fenêtres. Perdant totalement contrôle, je me repliai sur le lit, m’enroulant dans une couverture, ce qui fut mon erreur finale… car la couverture était colonisée par des centaines d’araignées qui me revêtirent entièrement…

On me retrouva quelques heures plus tard emprisonnée dans un cocon soyeux; j’étais encore en vie…

Je vous écris cette terrible histoire de ma nouvelle chambre dont j’apprécie la propreté des murs blancs et dont la porte hermétiquement fermée m’assure une totale sécurité.

La ruse de l'araignée

« À mon retour, la vieille qui nettoyait ma chambre avait une nouvelle mission », rechercher toutes les bestioles susceptibles de me piquer. Il y avait du travail, car entre les puces de lit, les punaises, les mouches et les moustiques, la chambre était envahie d’insectes et je n’étais pas le moindre.

Je me terrais habilement dans un recoin poussiéreux, bien à l’abri d’un coup de balai intempestif. Dans ce coin-là je me sentais hors d’atteinte mais je rêvais pourtant d’en sortir un jour, histoire de faire une petite frayeur à l’occupante de la chambre qui montrait un si grand mépris pour nous, insectes aussi prestigieux qu’utiles.

Pourtant, un être aussi épris d’une telle envie de liberté, peut-il éternellement demeurer caché ? Non !!  De plus, il me fallait bien me nourrir. Alors, choisissant avec soin le moment opportun, je me glissai hors de mon trou.

La femme tenait à la main une bombe insecticide jaune rayée d’un éclair noir et se mit à me poursuivre de ses jets de gaz.

La ruse, employer la ruse ! Mon grand-père, ancien vétéran d’une compagnie d’araignées, me répétait inlassablement : « la ruse est une arme redoutable dont tu peux te servir face au danger ».  Alors, forte de ce précieux conseil, je me déplaçai rapidement jusqu’au-dessus de la tête de l’attaquante, me pendit au bout de mon fil et me laissai glisser dans le col de sa blouse, là où elle ne pouvait m’envoyer une giclée de gaz sans s’atteindre elle-même.

 

 

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