Pages tournantes >>> Ils sont montés sur ces beaux chevaux...

Publié le

Pages tournantes >>> Ils sont montés sur ces beaux chevaux...

D'après une phrase extraite du roman Meurtre au marché des forgerons de Yachar Kemal
paru aux éditions Gallimard.

Chaque plume complète le récit par une ou deux phrases de son cru avant de confier le texte ainsi modifié à la plume voisine. Le récit prend fin lorsque chaque plume conclut le texte qu'elle a elle-même initié.

Le changement de couleur traduit le changement de plume.

Ils sont montés sur ces beaux chevaux, tous ces gens si bons, et ils s'en sont allés, satisfaits de leur beauté, de leur richesse, gonflés de leur certitude d'être les grands du royaume, de régner sur les foules laborieuses, sur la plèbe méprisable et indigne. Ils sont l'élite, n'en doutent pas. Les décideurs du monde, ceux qui ne sont pas de leur cercle n'existent pas. Ils tirent les ficelles, maîtrisent les rouages. Le monde est à leurs pieds. Ils se rient de ces pauvres marionnettes, soumises, crédules, manipulées.

Pour que le peuple se prosterne, ils organisent des fêtes, des instants sublimes. Pour lui faire croire qu'il a le choix, qu'il peut rire et toucher aux festins royaux.

Oui mais parfois au détour du chemin, par une sombre soirée d'hiver, la vie peut aussi prendre au dépourvu les puissants, et l'arbre couché en travers les a fait basculer les uns après les autres dans la boue et les ronces. Même leurs armes se sont retournées contre eux, car entremêlés comme ils étaient, plus ils voulaient se relever et pire c'était. Pêle-mêle, ils se débattent en hurlant.

Mais personne ne répond à leurs cris. Un effroyable marécage commence à les engloutir, la boue putride atteint déjà l'encolure des chevaux. Que meurent les impies ! La colère divine s'abat. Les dominants iront en enfer. Les justes trouveront le paradis. La justice sacrée a tranché. Dieu n'a qu'une parole.

___________________________

Ils sont montés sur ces beaux chevaux, tous ces gens si bons, et ils s'en sont allés. Le souffle chaud du désert fait tourbillonner le sable en pluie d'or. L'horizon est un infini de soleil et de chaleur. Et bientôt ils ont dû mettre pied à terre pour épargner les montures, et ils marchent les uns derrière les autres, aspirant à la fraîcheur verte d'une oasis lointaine. L'astre solaire est à son zénith. Leurs habits les protègent de ce rayonnement brûlant. Le clan itinérant doit se poser, trouver une source, se désaltérer et s'abriter à l'ombre des arbres bienveillants. Le chef du clan sait où se trouve la source. Enfin les voilà arrivés. Vite, dépêchons-nous.

 

Publié dans pages tournantes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article