BOIS FLOTTES

Que vous inspirent ces bois flottés ?

Ballottées dans le ruisseau
Au gré des saisons, branches mortes
Dévêtues de leur écorce
Souillées par les eaux,


Roulées dans la boue
Attaquées par les gelées
Brossées par les courants

Dans les tumultes du printemps
Les bois flottés
Ont échoué
Sur une berge lors d’une crue
Dans un petit bois entretenu.

Là, ils ont été
Attaqués, béquetés par les oiseaux,
De champignons infestés
De vers rongés, percés
Misérables vestiges
D’arbres morts, ignorés, abandonnés
Laissés pour compte.

Mais un jour, près d’eux, un homme s’est arrêté
Son œil d’artiste s’est éveillé.
Il les a ramassés
Dans sa maison, rapportés,
Ayant déjà son idée.
Les a nettoyés, traités
Poncés, polis, vernis,
Les a sublimés,
Leur a donné une seconde vie
Digne d’être exposée.

Sources d’inspiration
De poésie, de création.
Ils ne sont plus inutiles
S’offrent même en décoration
Donnant parfois le frisson
Stimulent toujours l’imagination,
S’invitent même dans d’autres maisons !

Danielle.

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Origines

Je fus arbre, un frêne. Un soir de grande tempête, plusieurs branches ont cédé, craquant sous le vent. Elles sont tombées dans la rivière tumultueuse et je me retrouvais tourbillonnant, emporté par le courant fort et rugissant.

Je viens du fond de la nuit, du froid, de l’eau sombre. L’hiver m’érode, je perds des parcelles de mon être. Je tourne et virevolte, je me libère d’inutiles fardeaux, deviens lisse, nettoyé, prêt à accueillir un souffle, un mystère.

Ma course folle s’achève, je suis posée sur la berge. Je me repose. J’attends.

Les saisons se succèdent, je nourris les oiseaux de passage.

Un matin, une lumière intense illumine le paysage. Toutes les couleurs sont posées sur moi. Un arc-en-ciel qui peu à peu s’estompe et découvre le dieu Odin. Il se penche et souffle sur moi. Ses mains me façonnent. Je deviens autre. Je respire et sens en moi des pulsations nouvelles au plus profond de mon être.

Je me redresse et me penche vers l’eau. Je suis l’homme. Puissant et faible. Fort et singulier.

Les premiers pas de l’humanité se dessinent.

Isabelle.

Selon la mythologie nordique, les premiers êtres humains Ask et Embla ont été crées à partir de deux pièces de bois flottés, un frêne et un orne (ou un aulne ?), par le dieu Odin et ses frères, Vé et Vili. Ils formèrent le premier couple d’humains et habitent Midgard.

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Après la tempête l'arbre écartelé et tout déchiqueté s'est envolé vers l'océan, en mille morceaux.

Sur la plage déserte repose un demi-corps de femme. Le tronc s'est déposé plus loin, au nord. Il fera peut-être rêver quelqu'un ou quelqu'une.

Là, reposant sur le sable, je vois le bassin d'une danseuse. La jambe gauche est prolongée par un chausson encore lacé autour de la cheville. La jambe droite, amputée, a perdu ses muscles. Lors de son voyage en mer, elle a du faire tous les efforts pour rester à flot et s'est usée.

A force de la fixer, je la perds, puis tout à coup je vois une molaire. Elle est bien cariée. Ses deux racines, rongées par je ne sais quel mal, ont dû faire souffrir leur propriétaire en quittant la mâchoire d'origine. Quel animal a été doté d'une telle denture ? Un humain hors normes, ou un autre mammifère gigantesque? Quelle nourriture a-t-elle broyé ?

A force de rêver sur ce bois flotté, je ne vois plus qu'un bout d'arbre, lustré et nettoyé avec soin. A lui seul il fait une belle décoration et appelle à la rêverie d'un moment.

Monique.

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Terres du Soudan.

De notre première rencontre, je garde un souvenir tendre et ému. Aperçue de dos, sa peau d’ébène éclatait sur une nuque haute et droite qui lui conférait un port de reine. Son attitude altière imposait le respect sans la moindre marque de suffisance ou de mépris, son sourire d’ivoire magnifiait son visage fin et délicat.

Quoique digne, son regard exprimait une vive inquiétude que mon diagnostic sur son jeune fils n’allait pas pouvoir dissiper. Ma première campagne en tant que médecin bénévole conserve une empreinte forte et intime de ce premier contact, jusqu’à celui plus douloureux de ce corps abandonné contre mon épaule, ma main supportant sa nuque tremblante puis son visage inondé de larmes, ruisseau insolite sur ces terres du Soudan.

Sylvain.

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Chimère marine.

Bouche grande ouverte vers le ciel marin. Mais son cri est minuscule, presque inaudible sous le fracas de l’océan qui vient d’expulser son petit corps décharné.

Es-tu un poisson ou saurien, ou même mammifère marin, petit être humide ?

Qui es-tu ? D’où vient ta vie ?

De quelle matrice es-tu sorti ?

Bientôt la marée te reprendra. Les flots te saisiront dans leurs larges bras couverts d’écume.

Et bientôt tu rejoindras les abysses océanes dont tu es sorti.

Annie.

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Songe.

La nuit tombe sur le campement, les voix se taisent. Les flammes éclairent des visages fatigués. Mon regard est attiré par le tas de bois flottés récoltés au cours de la journée.

Ce serait dommage de les brûler, car il en émerge par intermittence des formes qui m'entrainent dans un monde qui n'est pas celui du rêve ni pour autant celui de la réalité, un monde où tout est possible : une tête de phoque s'agrippe aux cornes d'un renne, un chien renifle la queue d'un serpent. Celui-ci darde sur moi sa langue fourchue, je m'ébroue, j'ai dû m'endormir !

Et de nouveau le spectacle des flammes sur le tas de bois me captive, un visage me fixe de ses yeux crevés. Une bouche béante me crie un message muet, toi comme moi, tu souffres ! N'aie pas peur, la terre sait que tu l'aimes, endors-toi en paix dans cet amour.

Seule une légère brume continue de flotter sur le campement enveloppant les bois et les gens.

Joëlle.