Texte à trous >>> D'après "La folle allure" de Christian Bobin

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Texte à trous >>> D'après "La folle allure" de Christian Bobin

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COMPOSITIONS REALISEES EN SEANCE

Ma mère est folle je crois. Je souhaite à tous les enfants du monde d’avoir des mères sages, ce sont les meilleures mères, les mieux accordées aux cœurs légers des enfants. Sa lumière lui vient d’ ailleurs, son premier pays. En ce pays, ce qui est mort, ils le mettent dans les arbres. Leur linge à sécher et leur cœur à laver, ils mettent tout dans les arbres sur un fil entre deux fenêtres et ils font chanter les enfants plusieurs fois par jour, devant les branches, dans un interminable chant de cris et de rires. En apparence c’est gai – en apparence seulement. Les enfants sont fragiles, ils imitent trop la vie pour l’aimer réellement, ils sentent la douleur et le théâtre : c’est mon père qui dit ça quand il veut mettre ma mère en rage. Le pays de mon rêve, j’ignore comment il s’appelle. Le pays de mon rêve c’est le désir. Mon rêve c’est tous les matins, quand ils rentrent le soir à la maison. Des jours, des années. Mon désir est comme un torrent : le feu qui coule dans ses veines remonte aux cœurs, et rien pour les lèvres.

Ma mère est comme une chatte, comme un félin comme du lierre, comme le soleil, comme la neige, comme le vent. L’oiseau est amoureux de ma mère. Le ciel est amoureux de ma mère. Le nuage est amoureux de ma mère. Ils sont tous amoureux de ma mère dans cette tribu et elle laisse faire, c’est la meilleure façon de retenir mon amour auprès d’elle que ces éclats de désir. L’amour fait un cercle comme celui du ciel, tapissé de nuages, doux aux pieds nus, lumineux sous la lune elle-même gonflée de vent. Le cercle est simple : plus vous êtes aimée et plus on vous aimera. Le truc c’est au départ, pour être aimée une première fois. Il faut surtout attendre, attendre, attendre encore. Etre libre, se contenter d’être libre, de rire en pleurant, de pleurer en riant, les hommes finissent par venir, attirés par la force de l’attente, séduits par celle qui n’a même pas le souci de plaire. Après c’est joué, vous tournez et entrez dans le cercle d’amour, un inconnu à vos bras pour ne pas perdre l’équilibre, un inconnu qui roule des yeux partout en silence.

Annie.
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Ma mère est une sainte je crois. Je souhaite à tous les enfants du monde d’avoir des mères pareilles, ce sont les meilleures mères, les mieux accordées aux cœurs tendres des enfants. Sa foi lui vient d’un émerveillement, son premier pays. En amour, ce qui est important ils le mettent en valeur. Leur linge à sécher et leur cœur à laver, ils mettent tout ensemble sur un fil entre deux fenêtres et ils font leur lessive plusieurs fois par jour, devant les voisins, dans un interminable concert de cris et de rires. En apparence c’est gai – en apparence seulement. Les taches sont cachées, ils imitent trop la vie pour l’aimer réellement, ils sentent la guerre et le théâtre de comédie en tragédie : c’est mon fils qui dit ça quand il veut mettre ma joie en rage. Le pays de mon rêve, j’ignore comment il s’appelle. Le pays de mon amour, c’est le nuage. Mon soleil. C’est tous les sourires, quand ils rentrent le soir à la maison pleine des bruits des voitures. Mon cerveau est comme un volcan : le feu qui coule dans ses veines remonte aux cratères et rien pour les lèvres.

Ma mère est comme une chatte, comme un léopard, comme du lierre, comme le prédateur, comme la neige, comme les lianes qui s’enroulent autour de l’arbre pour l’étouffer. L’absolu est amoureux de ma mère. L'éternel est amoureux de ma mère. Le tout à moi est amoureux de ma mère. Ils sont tous amoureux de ma mère dans cette tribu et elle laisse faire, c’est la meilleure façon de retenir mon horreur auprès d’elle que ces libertés qu’elle déteste. L’amour fait un cercle comme celui de l’univers tapissé de folie, doux aux pieds nus, lumineux sous la lampe. Gonflée de vent. Le cercle est simple : plus vous êtes aimée et plus on vous aimera. Le truc c’est au départ, pour être aimée une première fois. Il faut surtout être libre, détester les attaches, rendre les coups. Etre aimée,  se contenter d’être aimée, de rire en pleurant, de pleurer en riant, les hommes finissent par venir, attirés par la liberté de celle qui n’a pas d’attache, séduits par celle qui n’a même pas le souci de plaire. Après c’est joué, vous tournez et retournez dans le cercle d’amour, un enfant à vos bras pour ne pas perdre l’équilibre, un enfant qui roule des yeux partout en silence. Peut-on attraper le vent ?

Joëlle.
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Ma mère est folle je crois. Je souhaite à tous les enfants du monde d’avoir des mères dérangées, ce sont les meilleures mères, les mieux accordées aux cœurs tendres des enfants. Sa raison de vivre lui vient d’aimer son premier pays. En tout cas ce qui est sûr, ils le mettent lentement. Leur linge à sécher et leur cœur à laver, ils mettent tout le tas sur un fil entre deux fenêtres et ils font voleter plusieurs fois par jour, devant les fenêtres dans un interminable claquement de cris et de rires. En apparence c’est gai – en apparence seulement. Les enfants sont joueurs, ils imitent trop la vie pour l’aimer réellement, ils sentent la joie et le théâtre : c’est mon père qui dit ça quand il veut mettre ma mère en rage. Le pays de mon père, j’ignore comment il s’appelle. Le pays de mon père c’est le ciel. Mon ciel c’est tous les espoirs ; quand ils rentrent le soir à la nuitée.  Des bruits, des silences. Mon domaine est comme un incendie : le feu qui coule dans ses veines remonte aux sources et rien pour les lèvres.

Ma mère est comme une chatte, comme un ourson, comme du lierre, comme le vent,  comme la neige, comme le soleil. L’artiste est amoureux de ma mère. Le curé est amoureux de ma mère. Le maître est amoureux de ma mère. Ils sont tous amoureux de ma mère dans cette tribu et elle laisse faire, c’est la meilleure façon de retenir mon père auprès d’elle que ces soupirants. L’amour fait un cercle comme celui du soleil, tapissé de rayons, doux aux pieds nus, lumineux sous la brise. Gonflée de vent. Le cercle est simple : plus vous êtes aimée et plus on vous aimera. Le truc c’est au départ, pour être aimée une première fois. Il faut surtout sourire, rire, chanter. Etre gaie, se contenter d’être soi-même, de rire en pleurant, de pleurer en riant, les hommes finissent par venir, attirés par la grâce, séduits par celle qui n’a même pas le souci de plaire. Après c’est joué, vous tournez et tournez dans le cercle d’amour, un homme à vos bras pour ne pas perdre l’équilibre, un amoureux qui roule des yeux partout en silence.

Monique.
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Ma mère est  folle je crois. Je souhaite à tous les enfants du monde d’avoir des mères étranges, ce sont les meilleures mères, les mieux accordées aux cœurs simples des enfants. Sa folie lui vient de Corse son premier pays. En Corse ce qui est beau, ils le mettent dehors. Leur linge à sécher et leur cœur à laver, ils mettent tout à l’extérieur sur un fil entre deux fenêtres et ils font cela plusieurs fois par jour, devant les badauds dans un interminable renouvellement de cris et de rires. En apparence c’est gai – en apparence seulement. Les corses sont entiers, ils imitent trop la vie pour l’aimer réellement, ils sentent la châtaigne et le théâtre : c’est mon père qui dit ça quand il veut mettre ma mère en rage. Le pays de mon père j’ignore comment il s’appelle. Le pays de mon père c’est le Maroc. Mon père c’est tous les marocains ; quand ils rentrent le soir à la tombée du jour. Des jeunes, des vieux.  Mon père est comme un brasier : le feu qui coule dans ses veines remonte aux poings et rien pour les lèvres.

Ma mère est comme une chatte, comme un nuage; comme du lierre, comme le nid, comme la neige, comme le rossignol. L’éternel est amoureux de ma mère. Le sourire est amoureux de ma mère. Le regard est amoureux de ma mère. Ils sont tous amoureux de ma mère dans cette tribu et elle laisse faire, c’est la meilleure façon de retenir mon père auprès d’elle que ces amoureux transis. L’amour fait un cercle comme celui de l’herbe tapissée de mousse, douce aux pieds nus, lumineuse sous la main. Gonflée de vent. Le cercle est simple : plus vous êtes aimée et plus on vous aimera. Le truc c’est au départ, pour être aimée une première fois. Il faut surtout croire, espérer, aimer. Etre sincère, se contenter d’être folle, de rire en pleurant, de pleurer en riant, les hommes finissent par venir, attirés par la joyeuse humeur, séduits par celle qui n’a même pas le souci de plaire. Après c’est joué, vous tournez et entrez dans le cercle d’amour, un homme à vos bras pour ne pas perdre l’équilibre, un homme qui roule des yeux partout en silence.

Isabelle.
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TEXTE ORIGINEL

Ma mère est folle je crois. Je souhaite à tous les enfants du monde d’avoir des mères folles ce sont les meilleures mères, les mieux accordées aux cœurs fauves des enfants. Sa folie lui vient de l'Italie, son premier pays. En Italie, ce qui est dedans ils le mettent dehors. Leur linge à sécher et leur cœur à laver, ils mettent tout à la rue sur un fil entre deux fenêtres et ils font l’inventaire plusieurs fois par jour, devant les voisins dans un interminable opéra de cris et de rires. En apparence c’est gai – en apparence seulement. Les Italiens sont tristes ils imitent trop la vie pour l’aimer réellement, ils sentent la mort et le théâtre : c’est mon père qui dit ça quand il veut mettre ma mère en rage. Le pays de mon père  j’ignore comment il s’appelle. Le pays de mon père c’est le silence. Mon père c’est tous les hommes ; quand ils rentrent le soir à la maison. Des taciturnes, des sans-mot. Mon père est comme un loup : le feu qui coule dans ses veines remonte aux yeux et rien pour les lèvres.

Ma mère est comme une chatte, comme un moineau, comme du lierre, comme le sel, comme la neige, comme le pollen des fleurs. L’écuyer est amoureux de ma mère. Le clown est amoureux de ma mère. Le dompteur est amoureux de ma mère. Ils sont tous amoureux de ma mère dans cette tribu et elle laisse faire, c’est la meilleure façon de retenir mon père auprès d’elle que ces incendies déclarés alentour. L’amour fait un cercle comme celui du cirque, tapissé de sciure, doux aux pieds nus, lumineux sous la toile rouge gonflée de vent. Le cercle est simple : plus vous êtes aimée et plus on vous aimera. Le truc c’est au départ, pour être aimée une première fois. Il faut surtout n’y pas penser, ne pas le rechercher, ne pas le vouloir. Etre folle, se contenter d’être folle, de rire en pleurant, de pleurer en riant, les hommes finissent par venir, attirés par la clairière de folie, séduits par celle qui n’a même pas le souci de plaire. Après c’est joué, vous tournez et dansez dans le cercle d’amour, un mari à vos bras pour ne pas perdre l’équilibre, un mari qui roule des yeux partout en silence.

d'après La folle allure de Christian Bobin.

Publié dans A vous de jouer

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J
ça je parie que c'est une proposition d'Isabelle, elle l'aime tellement son Christian Bobin ! et d'ailleurs elle fut bien inspirée sur ce coup là, j'aime bien ce texte moi qui ne suis pas un fan de Bobin pourtant.
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