Après le 13 novembre...

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Après le 13 novembre...






Des mots pour ma peur

Peur. Avoir peur d'avoir peur. Faire peur, il s'agit d'un ressenti. Qui peut rassurer des parents qui ont peur pour leurs enfants, qui peut effacer cette crainte qui tenaille le ventre, fait trembler les jambes ? Quels mots peuvent éteindre cette angoisse qui étreint le cœur ?
On dit "la peur n'évite pas le danger" et j'y crois. Mais le sachant, ça ne m'empêche pas de redouter le malheur avec un grand M. Les larmes calment-elles la peur ? Elles en sont l'expression. Les mots peuvent-ils apaiser la peur ? Les mots sont les mots et s'envolent sitôt dits; mais ils peuvent faire du mal.
On ne peut rien contre la peur et la domestiquer s'avère une rude tâche. En fait, ma peur est en lutte éternelle avec ma raison, et je suis inquiète.

Monique.


Des mots de la peur à la peur des mots

Il est des souffrances personnelles et intimes que la pudeur empêche de dire et d'écrire. La voix intérieure, l'encre organique peinent à jaillir.
Il est des angoisses et des peurs universelles qui vous lient à l'humanité toute entière, vous font sentir un mais pas seul. Une douleur commune, un mal collectif qui nous traversent et nous rassemblent.
Me voici privé de mots. Les mots de la peur. Les mots pour dire la peur. Pris de vertige, sans repère, les mots de la peur m'étranglent jusqu'à ressentir la peur des mots. La parole évanouie noyée dans l'ombre.
Exhalation. Délivrés du silence, les paroles et les écrits coulent de nouveau, irriguent mes pensées. Une sève printanière. Un fleuve qui charrie des alluvions de mémoire et d'espoir. Un courant timide de vie, en quête de sérénité, dans les méandres du doute.

Sylvain.

Retrouver les mots

Trop d'émotion et plus de mots. Langage anesthésié…
Beaucoup trop de mots entendus pour essayer de donner du sens à ce qui n'a pas de sens.
On ne peut plus jouer avec le langage car les mots n'ont plus envie de jouer.
Certains de ces mots se battent pour sortir et nous agresser: guerre, sang, cris, explosions, attentats, terroristes, terreur, horreur… Arrêtez, mots hideux qui font exploser des images pour nous effrayer encore davantage et nous tétaniser!
Ces mots-là nous poursuivent jusqu'au fond de nos cerveaux pour nous emprisonner dans des abris qui ne protègent pas mais nous éloignent les uns des autres: chacun dans sa tranchée, dans son trou, et on referme le couvercle sur la pensée libre.

Et les autres mots où sont-ils passés?
On invoque la trinitaire association: liberté, égalité, fraternité, agrémentée des trois couleurs de notre Histoire.
C'est vrai, ils sont beaux ces mots-là, elles sont belles ces couleurs qui nous rassurent en nous donnant à croire que les coeurs battent à l'unisson. On veut y croire. Alors on peut sortir prudemment de sa caverne…
Ils sont beaux et bons ces trois mots: LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE. On les voit écrits dans toutes les villes de France, depuis si longtemps, un temps si long qu'on n'y prête même plus attention et signification.
Ils sont si grands, ces mots, si exigeants surtout, qu'il faudrait bien leur donner toutes nos forces pour qu'ils ne meurent pas d'indifférence, d'oubli, de mensonge, d'illusions rassurantes, mais pour qu'ils vivent, ces mots, pour lesquels tant d'êtres humains ont perdu la vie, hier et aujourd'hui.

Annie.

Sidération

Combien de fois ai-je dit : « je suis sidérée »
13 novembre 2015.  Je sais à présent ce qu’être « sidéré »
Les oreilles entendent, les yeux voient, le cœur bat mais tout l’être est suspendu dans l’attente du réveil, de la fin du cauchemar.
L’édifice de ma vie, construit peu à peu dans la croyance utopique d’un monde meilleur, vient de s’écrouler tel un château de cartes.
Je suis seule, désespérément seule face à face avec l’horreur,
Je suis petite, vulnérable, je suis en miettes, sidérée..

Hélène.

Lendemain

Dans le brouillard épais, l'aube blanche s'affirme laiteuse sur l'oreiller. Un bras s'étire hors de la couette et devant le vide se recroqueville. Le souffle de la fenêtre est humide et frais. Le nez encore encapuchonné, il fait bon sortir dans la forêt écouter les feuilles mortes s' écraser sous les pieds.

Arrêt ... L'air sort en buée... Le silence enveloppe l'être éveillé. Dormir sa vie, passer à coté du rêve ou s'épanouir comme la rose où perlent de minuscules gouttes d'eau. Elle s'ouvre et reçoit. Dans l'odeur acre des feuilles flotte une légère fumée de bois. La brume cache le chemin et annonce la présence de la lumière humide du matin, mystère et espoir dans l'attente du lendemain.

Joëlle.

Vie

Contrebalancer la peur avec les mots de la vie, le souvenir des belles choses, les mots de l’amour sous toutes ses formes …

Poésie, Rapsodie in blue, arc en ciel, papillon bleu, pétale de rose, perle de rosée, rayon de soleil, nacre, tendre émoi, étreinte, câlin, chants du monde.
Odeur du bord de l’eau, coucher de soleil, écume, poissons tropicaux, colibri, pivert, écureuil, agneaux.
Temps des cerises, Ami entends-tu ? Que la montagne est belle, Non rien de rien, non je ne regrette rien.
Amitié, diversité, sourire, regard, jardin, danse, lueur d’aube, douche chaude, gorgée de bière et jambon cru, truffes au chocolat.
Muguet, lilas, main dans la main, Fingers au beurre, porcelaine, vitrail, doudou, philosophie, compassion, émotion, résilience.
Fraternité, confiance, humour, subtilité, grâce, créations, paix.
Mots du cœur et de l’esprit réunis.

Danielle.

Pas Peur

PAS PEUR !
Si j’ai peur, bien sûr que j’ai peur. Elle est là, elle se tapit dans mon ventre, dans mon corps. Peur pour les miens, peur pour mes enfants, peur pour nos enfants, pour notre jeunesse.

PAS PEUR
C’est écrit en lettres lumineuses avec des fleurs. Je l’ai mis en grand sur mon ordinateur. C’est comme une formule magique pour conjurer l’horreur. Il y a un blanc dans ma tête, un blanc d’où je ne peux pas vraiment comprendre l’ignominie de vendredi.
Vendredi 13, anniversaire de ma belle-mère. Bain de joie, bain de sang. Je sais que je n’oublierai jamais ce jour là. A jamais, il est entré en moi. Oui la guerre est entrée dans ma vie d’aujourd’hui.

PAS PEUR
Pourquoi n’aurais-je pas peur ? Bien sûr que si j’ai peur. Mais je reste debout, je ne ploie pas. Je me redresse, bien droite, moi qui ai tendance à marcher courbée, comme pour me cacher du regard des hommes. Ces hommes qui justement me font peur, mais d’hommes, il ne leur reste rien. Ce sont des monstres, des machines de guerre, au cerveau délavé, arraché, au sentiment extirpé à coup… à coup de quoi d’ailleurs ?
Quel manque a pu conduire ces monstres là à tuer froidement, sans ciller, à s’en faire exploser le corps, à mitrailler pendant des heures, à faire couler le sang des rires, le sang des paroles, le sang de la musique, le sang des jeux, le sang du bonheur, le sang. Tout ce sang, c’est une horreur. Sacrifice d’une jeunesse libre touchée en plein cœur.

PAS PEUR
On crie ça pour se rassurer, pour se dire que c’est impossible. Non ce n’est pas possible, c’est le trou blanc dans ma tête. Je n’y crois pas encore complètement. Et pourtant.
J’écoute en boucle la chanson des Poppys, une chanson de mon enfance : Non je ne veux pas faire la guerre.
Non la guerre ne m’aura pas. Je crie que je veux la paix. La paix, l’amour, l’amitié, le bonheur, la tolérance, le respect, la lumière.
Et je pense à tous ces anges, tous ces jeunes assassinés, toute cette folie.
J’ai une pensée particulière pour Andreï, mon jeune ami dont la sœur a perdu un proche.
J’ai une pensée particulière pour Sihem qui a perdu Elsa au Bataclan, elle dont la maman avait fui le Chili, morte elle aussi avec sa fille. Le petit garçon, lui, n’est pas mort, mais il est resté dans le sang de sa mère et de sa grand-mère, allongé.
Je voudrais aider les rescapés, les blessés, ceux dont la vie a basculé. Je ne sais pas comment faire.
Donnez-moi la force de résister. J’ai si peur de ne pas y arriver.
Donnez-moi la force de l’amour. L’amour qui va nous sauver. La lumière qui va passer.

Isabelle.

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Commenter cet article

J
Moments de grandes emotions...<br /> <br /> Merci particuliérement à Annie de reposer les fondamentaux qui se sont malheureusement banalises et vides de leur sens, il faut l'adversité pour que nous y repensions. Mais cela est aussi source d'espoir...
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G
Bravo a vouq tous <br /> Oui outrepasser la peur en croyant au meilleur,<br /> Casser le mot peur pour ceux de lamour,du bonheur ,du respect et jen passe ..vive la plume et les pinceaux <br /> Isa
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