Rêver les couleurs

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Rêver les couleurs


Trois mots pour seule consigne :

Rêver les couleurs.

Sept textes improvisés.

> "Délivrance" par Hélène                                      > "La fille aux yeux verts" par Annie
> "Mélange" par Joëlle                                            > "A l'écran" par Danielle
> "Rêve en bleu" par Monique                               > "Les brumes d'Aurore" par Sylvain
> "Un rêve mauve" par Isabelle

Délivrance

La couleur blanche, la couleur blanche légèrement bleutée
au-dessus de ma tête.
J’ouvre une lucarne à travers ma chevelure et j’attends...

Elle pénètre doucement, coule, s’étale entre les méandres de mon cerveau,
d’abord de petits rus qui s’infiltrent partout; ils ruissellent le long de mon cou,
les épaules, le dos, les reins..

Lumière blanche, bleutée, tu entraînes dans ta chute légère les petits cailloux,
les milliers de graviers qui grincent, qui crient dans mon corps, les papillons
noirs des nuits sans sommeil, la peur du lendemain..

Lumière blanche, bleutée, tu laves, tu rinces, tu purifies chaque cellule, chaque os,
chaque nerf, chaque atome de mon corps. Lumière blanche, bleutée...

Eau Vive, tu me délivres.

Hélène.

Rêver les couleurs

Mélange

Blouse blanche, pinceaux et tubes alignés, quelle palette choisir pour un paysage d'automne ?

Jaune, ocre, terre de sienne, terre verte, terre brûlée, ombre fumée, bleu d'azur, sombre terre, orange de cardamome, aurore d'Asie, terre éternelle. Comme une fumée mon esprit est irradié par la présence de ces couleurs fauves, rauques, insondables. Un ciel de bleu aigu traversé de cris d'oiseaux migrateurs nous annoncent l'hiver. Liberté signée par un V qui déchire le blanc gazeux de l'air.

Couleur verte grumeleuse de pomme acide se décomposant aux pieds des arbres. Dans son accent jaune orangé teinté de rouge la pourriture s'installe, marron, au son étouffé des feuilles. Moisissures blanches et bleues, l'odeur aigre sort du pied, écrasée de pomme pourrie, fruitée du jus des bulles irisées. Pur plaisir des sens, les feuilles vertes percées de points noirs ont le bord recroquevillé de rouge et d'or. Terre d'ombre qui recueille tout le sang de l'automne, elle l'embrasse et le transforme. Il ressurgit en terre verte d'un printemps espéré aussi lointain que l'aurore d'Asie éternelle.

Joëlle.

Rêver les couleurs
Rêve en bleu

Fatiguée par la randonnée, après une bonne douche, lovée sur le canapé je me laissais aller à la rêverie.
 
Les yeux fermés j'étais noyée dans le bleu. Le bleu vif du ciel d'altitude reflété dans l'eau d'un lac, le bleu violet des gentianes, le bleu clair et foncé des myosotis, je ne voyais que du bleu. Puis descendant le sentier, je voyais du vert. Vert noir des pins, vert clair des mélèzes, vert tendre des prairies à perte de vue. Dans ce vert, je voyais le point rouge de ta veste. Tu m'avais dit "il faut que l'on soit vu de loin si on nous cherche". Le point rouge me semblait bien petit ! Au village, le gris bleu des pierres des maisons me parut plus bleu que gris. Et là, finie la balade, je plongeais dans un sommeil réparateur qui me permettrait de repartir, peut-être en rêve seulement.

Monique.
Rêver les couleurs

Un rêve mauve

Cette nuit j’ai fait un rêve mauve. Je me suis éveillée en sueurs, un peu exaltée. Mon rêve était si étrange : je tombais dans une palette infinie de nuances bleutées à violines et réalisais une danse macabre dans un cimetière oublié, sombre, obscur, noir. Vêtue d’une tenue translucide,  je dansais au milieu de cet océan de couleurs saphir, je dansais à en perdre le souffle. Je m’immobilisais épuisée et regardais autour de moi toutes ces tombes dressées, silencieuses, toutes ces âmes abandonnées cruellement par les vivants. Ma danse reprenait plus doucement, comme une caresse légère entre les pierres tombales et sur son sillage un arc-en-ciel naissait illuminant l’obscurité d’une clarté luminescente. Le paysage funèbre se transformait sur mes pas. Le noir cédait la place au flamboyant, à la vie, au bonheur. Les âmes perdues connaissaient enfin la paix. Mon rêve mauve, si étrange, avait cessé quand j’avais senti sur ma joue un effleurement léger. J’étais bien éveillée maintenant et avait pris soin de tout noter sur mon carnet, pour ne  pas oublier cette sensation si forte, ce mélange coloré, inquiétant puis joyeux. Et, alors que je posais mon stylo, un papillon multicolore vint tournoyer devant mes yeux. Alors je me sentis rassurée et heureuse.

Isabelle.

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La fille aux yeux verts

Elle avait les yeux vert émeraude, des yeux de chat étincelants et des cheveux écureuil.
Mais elle ne me vit pas tout de suite, peut-être même pas du tout, moi qui suis vert de gris, passe-partout, incolore, insipide, comme me le disent mes amis, je veux dire ceux qui tiennent le zinc avec moi tous les soirs jusqu'aux petites heures du matin, additionnant les verres de vin écarlate - belle couleur cardinal mais âpre goût de piquette. Au bar des copains - c'est le nom du troquet - on boit pas le Saint Emilion ni le Châteauneuf du Pape !
La fille aux yeux émeraude s'est assise ce soir-là sur un des tabourets du bar et, soudain, fin des conversations, tous les yeux des soiffards se sont braqués sur les jambes de la fille et sa petite jupe noire qui remontait jusqu'à mi-cuisse. Des jambes couleur d'ambre qu'on avait envie de caresser, et pas seulement du regard…
On en oubliait même de boire.
Elle commanda un cognac qu'elle avala cul-sec, et nous, on la buvait des yeux… Elle demanda un bourbon, mais Maurice, le bistrot, ne savait pas ce que c'était. Il lui servit un deuxième cognac.
Nous, on avait de plus en plus chaud, et la soif était revenue avec… C'est alors qu'elle est descendue de son tabouret, a déposé un gros billet de 50 euros, et elle est sortie sans attendre la monnaie.
De dos elle faisait encore plus d'effet…
On l'a suivie du regard, et moi je suis sorti, histoire de voir où elle allait, la fille aux yeux émeraude. Mais dans la rue y'avait personne.
On avait pourtant pas rêvé avec les copains, on l'avait bien vue, tous, s'asseoir sur le tabouret du bar.
Depuis ce jour-là j'en rêve tout le temps et je l'attends tous les soirs au Bar des Copains avec tous les autres.

Annie.

Rêver les couleurs

A l’écran

Dans le film dramatique « Nos étoiles contraires » de Josh Boon *, deux jeunes gens, se rencontrent ; amoureux en dépit  de leur maladie dévastatrice, ils s’engagent – à la vie, à la mort – dans l’aventure de la passion, d’une vie trop courte.

Un sujet traité avec beaucoup de tendresse et de délicatesse, sans insistance mélodramatique.

Des personnages interprétés avec naturel par les jeunes comédiens très justes, bien qu’inconnus, beaux presque malgré eux tellement ils rayonnent devant l’objectif soigneusement dirigé. Le premier long métrage d’un réalisateur prometteur, qui ne manquera pas de vous émouvoir par sa sincérité ainsi que par la finesse avec laquelle il traite son sujet.

Un film dont vous garderez une trace intime, ne serait-ce que celle de dialogues ciselés tels que : « Il faut accepter la pluie pour avoir l’arc en ciel ».

Danielle.

*film de 2014, adapté du roman de John Green ; scénario de Scott Neustadter.

Rêver les couleurs

Les brumes d'Aurore

Sur la palette des sentiments, Aurore rêve de couleurs. Des touches de bleu tendre, des songes mauves, de l'amour rouge vif.

Le pinceau de son âme glisse sur la toile et peuple le décor de sa vie. Surgissent des ciels d'azur, des lagons émeraude, des mers turquoise. Son imagination irise des paysages intérieurs, son inconscient convoque des arcs-en-ciel.

Dès qu'Aurore rouvre les yeux, elle promène sur le monde un regard triste et amer. Des nuages gris, des envies sombres, des fleuves noirs l'envahissent et sacagent le tableau de ses espoirs.

Vite il lui faut fermer les yeux et rêver de nouveau les couleurs.

Sylvain.

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J
Arc-en-ciel....
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